L’Île Mbanié perdue : Un douloureux rappel de l’urgence d’investir dans les archives nationales

La Cour Internationale de Justice (CIJ) a rendu son verdict lundi, attribuant définitivement la souveraineté sur l’île Mbanié (ainsi que les îles Cocotiers et Conga) à la Guinée équatoriale. Cette décision, bien que le Gabon gagne des territoires terrestres en contrepartie, sonne comme un coup dur et, surtout, comme un rappel brutal de l’importance capitale d’une gestion rigoureuse et sécurisée des archives nationales.
Le cœur de la défaite gabonaise dans ce dossier insulaire réside en grande partie dans l’incapacité de prouver l’existence et la validité d’un traité clé, la convention de Bata de 1974, sur lequel Libreville fondait une partie de ses revendications.
L’absence de l’original de ce document, et son non-enregistrement auprès des Nations Unies, ont été des arguments de poids pour la CIJ, qui a préféré s’appuyer sur la convention franco-espagnole de 1900, dont les copies authentifiées étaient disponibles.
« C’est désolant », confie sous couvert d’anonymat un juriste gabonais impliqué dans le dossier. « Nous savions que l’absence de l’original du traité de Bata était une faiblesse. C’est une lacune qui nous hante depuis des années et qui, aujourd’hui, nous coûte une partie de notre territoire maritime. »

Cette situation n’est malheureusement pas isolée. Depuis des années, des voix s’élèvent pour alerter sur la situation précaire du Centre National des Archives et de la Documentation (CNAD) du Gabon.
Des témoignages concordants et des rapports alarmants décrivent des infrastructures vétustes, des conditions de conservation déplorables, un personnel sous-qualifié et en nombre insuffisant, et un manque criant de moyens financiers et matériels.
Humidité, poussière, moisissures, et même, parfois, la présence de nuisibles menacent directement des pans entiers de l’histoire et du droit gabonais.
Les archives nationales ne sont pas de simples reliques du passé.
Elles constituent le socle de la souveraineté d’un État.
C’est là que sont conservés les traités internationaux, les cartes officielles, les lois fondatrices, les actes de propriété, les registres d’état civil – tous les documents qui prouvent l’existence juridique d’une nation, la légitimité de ses frontières, et les droits de ses citoyens.

La perte de l’île Mbanié devrait servir de sonnette d’alarme. Ce n’est pas seulement un revers diplomatique, c’est une conséquence directe de ce qui est perçu par beaucoup comme une négligence chronique envers un pilier fondamental de l’État.
« Si nous ne protégeons pas notre mémoire documentaire, nous risquons de perdre bien plus que des îles à l’avenir », alerte un historien local. « Comment prouver notre histoire, nos droits, nos revendications si les preuves matérielles sont en train de se désagréger ou de disparaître ? »